« CDD-Illimité » ou « CSI : contrat de stage indéterminé » !



« Plus les grands patrons néolibéraux augmentent leurs revenus,
plus ils estiment excessif le « coût de la main-d’œuvre ».
Jean-François Kahn
Dans un contexte sénégalais d’un marché du travail malaisément marqué par le débat sur le « fameux » projet de loi abrogeant et remplaçant les articles L.42 à L.49 du code du travail, proposé par la « Hyper–NIANE–Active » ou franc-tireur du « Doing Business » et appuyé par le ministère de la Fonction publique à travers la personne du martial TOUNKARA, révèle l’ambition de conduire le travailleur Sénégalais tel un agnelet vers plus de flexibilité et moins de protection sociale (1).
Dieu merci ! Merci au Seigneur qu’il en existe encore des syndicalistes dignes de ce nom à l’image du secrétaire général de la FGTS –Mr Sidiya NDIAYE– incitant les autres centrales à la riposte concertée. Une réplique en règle, sans pondération et à la mesure de l’estocade en perspective, qui est destiné à chaque présent et futur travailleur ; cela pour faire face à une « loi scélérate, dont l’objectif est de précariser l’emploi ». A l’image de ce bouillant syndicaliste, force est de constater la molle attitude de ses « compères »devenus –en l’espace que continue à s’éterniser cette piteuse « Alternoce »– des syndicalistes bourgeois de premier et affligeant ordre.
Bravo à Mr Sidiya NDIAYE, qui par la même occasion a invité à un débat national Mme Aminata NIANE, que la FGTS indexe comme « le bras armé des capitaux étrangers » et « l’initiatrice malheureuse » d’une telle proposition (2).
Tel que exhorté par ce même et intrépide syndicaliste que je cite : « L’État veut clochardiser le monde du travail. En proposant de mettre à la disposition de l’investisseur des moyens de conclure avec le même travailleur plusieurs Cdd, ou de renouveler plus d’une fois un Cdd, le gouvernement piétine des acquis syndicaux, fruits de plusieurs décennies de lutte » (3). Une loi d’aplomb pour fusiller à tort et à travers tout travailleur quelque puisse être son rang en partant de l’ouvrage jusqu’à l’encadrement tout en passant bien sûr par la maîtrise. Malgré cela, ils –ministres et consorts– ne se gênent aucunement pour augmenter leurs revenus, intérêts et privilèges en toute grande démesure ; le tout en dépossédant allégrement le citoyen dans ces maigres revenus de« vivoteurs » (r.f. à leurs salaires et avantages dont ceux de Mme NIANE en interrogation). Sacré nationalisme à deux sous pour ce gouvernement de brasserie…
Point de contrariété, vous me diriez alors… Ainsi bravo à Mr NDIAYE !!!
Henry FORD soutenait que : « Produire des biens de la meilleure qualité possible, au coût le plus bas possible, en payant les salaires les plus élevés possible. » devait être la règle qui doit instruire les actions de chaque industriel. Malheureusement, la vision sociale en vigueur en ces temps-là, serait sans ambiguïté contemplée comme un doux tourmenté(4). A cette conception selon laquelle les fruits de l’activité humaine et du progrès doivent être équitablement partagés entre les acteurs économiques et la société dans son ensemble, s’est substitué le totémisme de la « création de valeur » au seul profit de l’actionnaire. Quand le labeur pour ne pas dire Travail –ce rapport fondateur de l’homme à son prochain– est limité au statut de variable versatile, d’entrave à la maximisation du profit, la possibilité même de « faire société » est affaiblie en ses bases.
Ce projet de loi qui n’a pas sa raison d’être continuera de susciter débats, critiques, chicanes et controverses si « WADE, NIANE & Alternoceurs » s’obstinent à forcer la main au pauvre petit travailleur Sénégalais. Il est véridique que ce sujet est au cœur des orientations des institutions de « Bretton Woods » mais sur ce repère-ci, il est plus question de l’intérêt supérieur du Citoyen Sénégalais. Ce citoyen de plein droit, qui avec une paie plus que minable, se voit opposé de manière plus ou moins brutale et consentante à assumer des exigences d’adaptation, que ce soit dans son travail (polyvalence, créativité, innovation), dans son métier (mobilité ou reconversion professionnelle), dans sa disponibilité (horaires, souplesse du temps du travail) mais aussi et surtout dans son traitement salarial, bref dans son droit le plus élémentaire. Pourtant, cette « APIX » à laquelle nous souhaitons que le mieux tout en sachant malgré tout qu’elle ne nous apportera que le pire ; les choses continueront de surfer que sur le malus et très hasardeusement sur le bonus.
Jouir d’un bon contrat de travail ne doit être un luxe dans un pays aussi pauvre que notre Sénégal si l’on sait déjà que le travail temporaire et/ou intérimaire a fini de précariser toute une génération qui n’en mérite que de meilleurs honoraires… Il faut savoir que cette flexibilité n’est pas satisfaisante et ne le sera jamais pour les salariés même si elle fera toujours les affaires de l’organisation. Devant cette lamentable situation, il n’y a et n’y aura donc qu’une mauvaise flexibilité dans l’absolu.
Et puis, flexibilité par rapport à quoi ou à qui : l’actionnaire, le client, le salarié ? Flexibilité ou extensibilité quand : à court terme ou à long terme ? Et le travailleur citoyen sera invité à « sanctionner » les pratiques de flexibilité, selon ses propres objectifs d’employé : une invitation à l’action afin d’éviter de se faire bouffer par un gouvernement malhabile, en quelque sorte !
Cette souplesse recherchée de part et d’autre des décideurs, qu’ils soient du Gouvernement ou du Top Management s’explique par divers atouts. Elle permet d’ajuster la main-d’œuvre au plus près des fluctuations de l’activité. En outre, qu’il s’agisse de relations salariales (Contrat à Durée Déterminé) ou de contrats commerciaux (intérim, sous-traitance), elles permettent de contourner certaines obligations du droit du travail (5). Les emplois temporaires comme le futur « CDD-Illimité » ou « CSI : contrat de stage indéterminé » sont aussi un moyen de mettre à l’épreuve les candidats le plus interminablement possible que ne le permet la « période d’essai » et conformément aux dispositions légales du contrat à durée déterminé (CDI).
Sachons franchement que cette flexibilité du travail ne présente que des inconvénients qui appellent à ne jamais être négligés… Ainsi la baisse de productivité qu’ont connue divers secteurs des services entre 1994 et 1995 est-elle imputable, selon l’économiste Patrick ARTUS, à un recours excessif à l’intérim. En effet, le travailleur temporaire, l’intérimaire et le journalier sont des hommes comme les autres : ils ont besoin d’un peu de temps pour prendre leurs repères dans l’entreprise. Selon C. EVARAERE, l’emploi précaire a également des effets négatifs sur l’implication au travail, sur la continuité des tâches et sur la passation des consignes. Il ajoute que la coexistence au sein de l’entreprise de populations aux statuts inégaux pose un problème de cohésion qui nuit à l’efficacité collective. Plus fondamentalement, il pense qu’une organisation du travail fondée sur le développement de compétences et l’autonomie des salariés (la flexibilité qualitative) est incompatible avec une politique d’emploi précaire (flexibilité quantitative) (6). Il reconnaît qu’en termes comptables, les avantages l’emportent sur les inconvénients. Toutefois, il souligne que le recours aux emplois précaires présente des risques qui, pour être moins tangibles, n’en sont pas moins lourds de conséquences à moyen terme.
Selon Lawrence Jeff Johnson, chef Tendance emploi au département de l’analyse économique et des marchés du travail à l’OIT, il est fait état de nos jours de la situation des travailleurs vulnérables car il faut noter que le basculement des emplois précaires vers des situations plus dramatiques interpelle plus encore.
Ce « CDD-Illimité » ou « CSI : contrat de stage indéterminé » si l’on n’en prend pas garde risque de nous mener à un basculement des emplois précaires vers des situations plus dramatiques. En 2007, près de 78% des personnes employées en Afrique sub-saharienne, contre 10% dans les pays riches, sont dans une situation qualifiée d’emploi vulnérable. Ce chiffre est de 37% dans le nord du continent. Ces salariés ne disposent pas de protection sociale et leurs droits au travail sont bafoués. Selon le scénario le plus pessimiste envisagé par le BIT, en janvier 2009, dans ses Tendances mondiales de l’emploi, leur situation devrait s’aggraver. On estime qu’en 2009, la proportion de personnes ayant un emploi vulnérable devrait dépasser les 82%, en Afrique sub-saharienne, et se rapprocher des 40% en Afrique du Nord. A la faveur de la crise, les pays africains et leurs partenaires économiques doivent chercher à investir dans « le travail décent productif », suggère Lawrence Jeff Johnson (7).
Si jamais, le « CDD-Illimité » ou « CSI : contrat de stage indéterminé » propre à la« Sokhna NIANE » est voté par nos pauvres « dépités », alors, que le travailleur Sénégalais se tient prêt à faire l’objet de « licenciement facile » tel que motivé insidieusement dans l’esprit de ce fâcheux projet de loi.
Jusqu’à il y a peu, l’OCDE, la Banque centrale européenne et la Commission européenne répétaient systématiquement que les emplois sont surprotégés en Europe. Pour améliorer les performances économiques, les travailleurs devraient renoncer à la protection de l’emploi en échange de politiques améliorant leur employabilité.
L’ampleur de la dépression et l’impact dévastateur qu’elle a sur les emplois et le chômage prouvent que cette affirmation est un mythe. En Europe, le chômage augmente à un rythme extrêmement rapide. Selon l’OCDE, il devrait connaître une très forte augmentation dans la zone euro, passant de 7,5% en 2008 à 10% en 2009, et même à 12% en 2010. Cette tendance est peu compatible avec l’opinion selon laquelle les marchés européens de l’emploi seraient rigides : s’il était tellement difficile et coûteux pour les employeurs de licencier leur main-d’œuvre, l’emploi résisterait beaucoup mieux au ralentissement économique qu’il ne le fait actuellement (8).
Si les marchés européens de l’emploi sont beaucoup plus flexibles, sont-ils pour autant devenus beaucoup plus sûrs pour les travailleurs ? La réponse est "Non" et là nous ne parlons même pas du cas Sénégal en particulier. L’affaiblissement de la protection de l’emploi en Europe est allé de pair avec une dégradation des systèmes d’allocation de chômage. De nombreux États membres ont réduit les niveaux et la durée des allocations, plus difficiles à obtenir. L’affaiblissement de la protection de l’emploi a également entraîné une baisse des investissements des entreprises dans la formation des travailleurs : pourquoi investir dans le capital humain d’une main-d’œuvre dont elles peuvent se débarrasser assez facilement ? (9)
            Ce projet de loi démontre à pléthore que le Sénégal a changé et que sa configuration actuelle ne fait que nous plonger surtout dans une « lutte des classes »contraire à celle prônée par Karl Marx qui était celle des pauvres contre les riches, des exploités contre les exploiteurs. Depuis presque 10 ans, cette lutte des classes s’est tendancieusement inversée, elle est devenue l’affaire des riches contre les pauvres au nom d’un libéralisme « Wadien et/ou sauvage ». Sa seule fin est d’effacer une grande période de progrès social, d’accroître –pour ne pas dire décupler– les profits des entreprises, et de permettre un enrichissement sans précédent des élites dirigeantes au détriment des masses ordinaires devenues une simple ressource à exploiter (corvéable et malléable à souhait).
La priorité accordée au bien-être des entreprises depuis plusieurs années au Sénégal est bien trop marquée et doit être rééquilibrée d’urgence. L’accent doit être davantage mis sur l’économiquement possible et le socialement souhaitable, dixit le professeur de droit Isaac Yankhoba NDIAYE (10). Ceci pour offrir aux travailleurs une réelle sécurité au cœur de la pire crise économique après la dévaluation du « pauvre petit » Franc CFA, il convient de revenir sur toutes les pratiques, trop fréquentes, qui abusent des contrats de travail atypiques. La protection de l’emploi et la protection sociale doivent être au cœur des priorités des syndicats et des syndicalistes comme c’est le cas en Europe où les mots d’ordre des quatre euro-manifestations organisées par la Confédération Européenne des Syndicats à la mi-mai 2010. Alors, à ce gouvernement peu soucieux du sort de ses administrés, l’heure est à briser l’inflation et faire reculer les prix ; au même moment il reviendra au travailleur en particulier et aux syndicats en général de ne pas se constituer en chien boiteux. À ces derniers de savoir se transcender en légitime « doberman » pour éviter de se faire avaler tout croustillants.
Charles de GAULLE disait : « En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l’homme. C’est l’homme qu’il s’agit de sauver, de faire vivre et de développer ». La société économique est comme l’humain : sans les jambes et les pieds, elle ne peut avancer. Si les chefs d’entreprise sont la tête, rien ne leur sert de mépriser ce qui leur sert à avancer : ouvriers, techniciens, cadres. Les énormes différences de salaires sont totalement injustifiées. Dès lors, que Dieu nous garde de cette guerre du « puissant » Sénégal de la rémunération et de la rétribution contre (Vs) le « petit » Sénégal du très bas salaire. Une situation qui ne fera que précariser davantage le travailleur, vendu pour un petit plat de lentilles, au profit d’une infime classe de privilégiés et d’incertains investisseurs.
Même Hitler ne ferait pas plus abjecte donc honte au « CDD-Illimité » ou « CSI : contrat de stage indéterminé » et à ses mufles ingénieurs !
 Ababacar Sadikh SECK
secksadikh1@yahoo.fr

            Sources :
(1)        Safiétou KANE, In Journal « LE QUOTIDIEN », Porte-drapeau du projet de Cdd illimité : Aminata Niane mise en accusation :
(2)        Coumba THIAM, Scandale par le projet de réforme du code du travail : La Ftgs en guerre contre les Cdd illimités :
(3)        Djim Momath KIDIERAIn Journal «  Journal LE MATIN », « C’est une mesure qui vise à Clochardiser le travailleur ». 
(4)        Robert BOYER et Jean P. DURAND, L’après fordisme.
(5)        Thomas COUTROT, L’entreprise néo-libérale, nouvelle utopie capitaliste.
(6)        C. EVERAERE, Emploi, travail et efficacité de l’entreprise : les effets pervers de la flexibilité quantitative, Revue française de gestion, n° 124, Juin – Août 1999.
(7)        http://www.afrik.com/article16960.html Crise de l’emploi : l’Afrique doit miser sur « le travail décent productif ».
(8)        Rapport de l’OCDE sur l’emploi précaire.
(9)        Jean P. DURAND, Mais comment peut-on encore parler de luttes de classes ?
(10)      Isaac Y. NDIAYE, In Flexibilité et protection du travail : Enjeux des années 2000.   

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